Voici un exposé que j'ai tenu en conférence Jeudi 14 février 2008, à l'ENA devant l'association "Histoire du Radicalisme", présidée par Monsieur Marcel Ruby, vice Président du Parti Radical.
Conférence Histoire du Radicalisme.
Jeudi 14 février 2008.
Chirac… le Dernier Président Radical ?
Au premier abord, la question peut sembler saugrenue.
Jacques Chirac… Il est l’animal politique par excellence, à l’origine de
nombreuses vocations, d’autant de meurtres politiques, et dont une partie de
lui-même loge toujours dans le Palais de l’Elysée.
Au cours de ce qui reste à ce jour la plus
impressionnante carrière politique de l’Histoire récente, Jacques Chirac n’a
pourtant jamais approché le Parti Radical Valoisien. Du moins… pas directement….
Nous verrons toute à l’heure de quelle manière il a joué
un rôle pour nous.
D’abord son parcours politique.
Il est connu certes, mais il mérite que l’on s’y attarde
un peu.
Le jeune Chirac tombe amoureux du Gaullisme pendant la
période trouble de la guerre d’Algérie. En fait, on verra plus tard qu’il pense à ce
moment là tomber amoureux du Gaullisme. Le Général, qui comprend alors que l’intérêt de la France
est de se retirer de sa colonie, devient un exemple politique pour Chirac…
Comprendre l’intérêt de la France.
Telle est la croyance profonde du jeune Chirac.
C’est de ce passage par le drame de la guerre d’Algérie
que va se décider la carrière politique de Jacques Chirac.
Soulignons que son escapade algérienne laissera de lui
deux images fortes :
D’abord, il est l’un des rares officiers français à avoir
laissé de bons souvenirs aux algériens qu’il a croisés. Par son humanisme et
par son respect.
Ensuite, cela fait de lui le dernier Président de la
République à avoir défendu son pays sur le terrain. Il n’y en aura plus après
lui.
La carrière fulgurante de Jacques Chirac démarre en 1962.
Entrée au cabinet de Pompidou, puis un passage à la Cour
des Comptes, puis le premier ministre le pousse à se jeter dans le grand bain
électoral : Les législatives.
Symboliquement, il ira battre un communiste, chez lui, en
Corrèze.
Gagnant ainsi l’admiration de ses pairs, et surtout gagnant son ticket pour le gouvernement.
Le bulldozer de Pompidou (son surnom) devient son secrétaire d’état à
l’emploi en 1967. Le premier du genre dans un gouvernement.
Chirac aussi y fait sa rupture.
Au contact de celui qui devient son père spirituel,
Chirac rompt avec le Gaullisme en même temps que Pompidou. Ce dernier ayant été remercié par de Gaulle, Chirac
restera son antenne au sein du gouvernement.
Avant d’en devenir l’un des principaux ministres, une
fois Pompidou à l’Elysée.
(Il n’aura pas Matignon à cause de son jeune âge…)
Des portefeuilles qui seront à sa charge, c’est dans
l’agriculture que Chirac est le plus à l’aise. Cette passion de l’homme qui nourrit d’autres hommes,
dans un partage de nourriture à travers le monde, est un sentiment qui l’anime
durant cette fonction.
Les agriculteurs ne se trompent pas sur sa sincérité, et
Chirac obtient toute leur ferveur.
Pour bien montrer à tous que le divorce avec le Gaullisme
est consommé, Chirac va précipiter la chute de Chaban Delmas. Chirac expliquera cette prise de position comme une
preuve de fidélité envers Pompidou. Chaban Delmas a en effet annoncé sa candidature à
l’Elysée alors que le Président défunt n’était même pas encore sous terre.
Chaban Delmas hors jeu, Valery Giscard d’Estaing remporte
l’Elysée en 1974.
Jacques Chirac devient son premier ministre.
Matignon sonne pour Chirac le départ d’une longue, très
longue campagne présidentielle.
Il s’empare petit à petit de l’UDR, le parti de la
droite.
Parallèlement à cette montée en puissance politique, il
va claquer la porte au nez de Giscard avec lequel les relations ont très vite
dégénéré. Nous sommes en 1976.
Chirac a alors besoin d’un appareil politique fort pour
ses ambitions élyséennes.
Il crée le RPR en 1977 et dans la foulée s’empare de
l’Hôtel de Ville.
Devenant ainsi le premier Maire de Paris.
Chirac se lance, il se présente aux présidentielles de
1981.
Il ne passe pas le premier tour. Mais il en profite pour se venger de Giscard en soutenant
officieusement Mitterrand... Avec le succès que l’on connaît.
Après cette défaite, Chirac n’est pas abattu
politiquement.
Bien au contraire.
En 1983, il est réélu Maire de Paris en remportant les 20
arrondissements.
Ça laisse rêveur… Et il devient tout logiquement premier ministre de la première
cohabitation en 1986.
1988, le premier ministre Chirac affronte le Président
Mitterrand pour les présidentielles. De ce duel au sommet, le leader socialiste sortira
vainqueur… une nouvelle fois.
En 1989, la carrière politique de Chirac est de nouveau
sauvée par Paris.
Et encore 20 arrondissements sur 20 ! On mesure aujourd’hui l’exploit…
Vient ensuite l’épisode de la seconde cohabitation entre
Mitterrand et la droite. En 1993, après l’effondrement de la gauche aux
législatives.
Balladur premier ministre, sa garde rapprochée avec un
certain Sarkozy, et la trahison de tout ce petit monde à son égard. Les meilleurs experts voient en la candidature de
Balladur aux présidentielles de 1995 la fin de la carrière politique de Jacques
Chirac. On connaît le dénouement de ce vaudeville comme seule la
politique sait en produire.
Chirac Président en 1995, acteur malheureux de la
cohabitation entre 1997 et 2002.
Ressuscité le 21 avril 2002 lorsque son premier ministre
Jospin ne passe pas le premier tour.
Chirac ne quittera l’Elysée que le 16 mai 2007, après 12
ans d’un règne mitigé.
Voilà pour ce qui est du résumé du parcours de notre
ancien Président.
Dont malheureusement les médias et l’inconscient
collectif n’ont retenu que de sombres affaires financières et un sentiment
d’immobilisme et d’inaction.
Je fais partie de ceux qui pensent que l’Histoire rendra
à Jacques Chirac ce que les médias lui ont pris. La grandeur.
Revenons alors à notre question du jour.
Et le Radicalisme dans tout ça ?
On peut voir dans certaines actions politiques de Jacques
Chirac des inspirations radicales.
Chirac a milité contre le colonialisme. Jeune, il fût porteur de valise pour l’ANC de Nelson
Mandela.
Il a été le premier chef d’état occidental à parler du
colonialisme comme un crime contre l’Humanité.
Il a même en tant que Maire de Paris refusé que notre
capitale soit associée aux célébrations des 500 ans de la découverte des
Amériques par Christophe Colomb.
Il fût également le premier Président de la République à
reconnaître la faute de l’Etat français sous l’occupation nazi (en 1995).
Il a été l’électron accélérateur de l’écologie en France,
mais aussi au niveau international. Avec sa fameuse phrase « Notre maison brûle et nous
regardons ailleurs ». Il ensuite fait entrer La Charte de l’Environnement dans la
Constitution de la Vème République.
Très actif dans la construction européenne et la mise en
place de l’euro, il a tout de même été le premier, et presque le seul, à
respecter le chemin démocratique au sujet de la constitution Européenne.
L’Europe a peut être perdu une bataille dans le référendum de 2005. Mais la démocratie sous Chirac a gagné…
Chirac a crée un super ministère de l’emploi, de la
cohésion sociale et du logement. Le premier du genre, confié à Borloo en 2005.
Une continuité de son fameux thème de la « fracture
sociale » sur lequel Jacques Chirac a toujours travaillé depuis… 1967 et
son premier strapontin gouvernemental. La fracture sociale est restée le thème de réflexion de
Chirac tout le long de sa carrière.
Notons à ce sujet que Chirac est l’inventeur de l’ANPE et
des allocations chômage. Une idée tout directement inspirée du Solidarisme.
Le 30 juin 1975, Chirac fait passer une loi d’obligation
nationale de solidarité. 30 ans plus tard, sous le Gouvernement Villepin, il
invente le concept d’égalité des chances.
Chirac a toujours su imposer la laïcité (on se rappelle
de l’affaire du voile à l’école), et a combattu le communautarisme.
Et surtout… il a toujours préservé l’union nationale. Chirac n’a jamais dressé une catégorie de français contre
l’autre.
« La France n’est jamais plus forte que lorsqu’elle
est pour tous ».
De cet état d’esprit est née la « HALDE », la
lutte contre les discriminations.
Antiraciste républicain, Chirac a été l’un des seuls
politiques de haut niveau à avoir toujours dit non à le Pen.
Mais c’est dans la personnalité même de Jacques Chirac
que l’on doit chercher une réponse à notre question du jour.
Comme la philosophie du Radicalisme, qui a demandé des
centaines d’ouvrages pour être expliquées, la personnalité de Jacques Chirac
est d’une complexité rarement atteinte chez un homme.
On parle du « mystère Chirac » comme l’on parle
du « mystère Radical ».
Une grande complexité vis-à-vis de la religion d’abord.
De culture catholique, Chirac s’est tourné ensuite vers
le Bouddhisme. Puis le Judaïsme, sans bien sûr penser à quelconque
conversion. Et malgré cela, comme je l’ai déjà dit, son plus grand
combat a été de préserver la laïcité.
Chirac est de l’aveu de tous une personne d’une grande
compassion à la souffrance des autres. En témoignent ses nombreuses actions pour les enfants
handicapés (en Corrèze). Ou l’adoption la petite Anh Dao, réfugiée d’un boat
people.
Sa fibre profonde est sans aucun doute à gauche.
Son grand-père, Louis, militant journaliste, Radical dans
l’âme, proche des idées de Léon Blum et Franc Maçon décomplexé, a laissé une
empreinte indélébile au petit Jacques.
Son père Abel, plus franchement Radical et anti
gaulliste, également.
Et lorsque Michel Rocard entraîne le jeune Chirac dans
ses premières réunions politiques, c’est à la SFIO (l’ancêtre du PS).
Chirac n’est pas vraiment un militant de gauche, même si
le dimanche, Place St Sulpice, il vend l’Humanité à la criée.
Par contre, il milite contre le nucléaire et signe le
Traité de Stockholm… ce qui lui vaudra quelques problèmes à son arrivée en
politique plus tard.
En fait, on peut dire que, comme le Parti Radical,
Jacques Chirac est partie d’une idéologie de gauche pour s’adapter en fonction
de l’époque vers une économie de marché incontournable. Tout en ayant comme socle indestructible les valeurs de
la République. Et les besoins sociaux indispensables à ce que l’économie
de marché ne sombre pas dans les pires dérives.
Jacques Chirac a été un homme de gauche qui a évolué dans
un monde de droite. Et tenter d’y appliquer ses idées.
Tout comme le Parti Radical Valoisien est un parti de
gauche qui évolue aujourd’hui dans un monde de droite. En essayant d’y imposer ses valeurs.
Et puis, tout comme le Parti Radical, Jacques Chirac
assoit une grande partie de sa personnalité sur la culture.
L’ancien Président s’est toujours amusé de cette
réputation d’analphabète buveur de bière qui lui colle aux baskets. Sa façon à
lui de rouler les médias dans la farine.
Car le moins que l’on puisse dire, c’est que la culture
de Chirac est impressionnante.
Dès le plus jeune âge, trouvant les cours rébarbatifs, il
sèche l’école pour se consacrer à l’Art.
Adolescent, il apprend le Sanscrit, puis le Russe.
Et à 20 ans, le jeune Chirac traduit « Eugène
Onéguine » de Pouchkine.
Sa passion pour l’Art se transforme en fascination pour
les civilisations. Russe, indienne, africaine, chinoise, sud américaine… il
n’est jamais rassasié.
Grâce à sa position politique, il se fait envoyer des
rapports de fouilles archéologiques par le Président Chinois, lance des
recherches sur le berceau de la civilisation avec Kadhafi, organise des
discours à l’Elysée devant des archéologues, et n’hésite pas à créer un
incident diplomatique avec l’Espagne en défendant publiquement l’art sud
américain face au colonialisme.
Lorsqu’il est à l’Elysée, son bureau est un fantastique
musée d’art.
Et nombreux sont les chefs d’états étrangers qui
restèrent scotchés face à ses connaissances dans les domaines les plus pointus.
En tant que Maire de Paris, son amitié avec Pierre
Seghers a vu naître la Maison de la Poésie.
Mais que recherche donc Jacques Chirac dans cette passion
des œuvres d’art du monde entier ?
Tout comme le Parti Radical, Chirac cherche dans la
culture et l’Art les secrets de l’Histoire. Pour lui, c’est dans l’Universalité des œuvres d’art que
se trouve la réponse à la question de l’évolution de l’humanité.
Voilà l’occupation de Jacques Chirac durant toute sa vie. Et aujourd’hui encore… une obsession. L’évolution de l’humanité.
Et j’ai envie d’ajouter ceci.
C’est peut être parce qu’il a trop passé de temps à
analyser l’évolution de l’humanité, qu’il n’est pas arrivé à diriger
concrètement le pays comme il avait pourtant les capacités de le faire.
Etre tourné sans cesse vers le passée, même lorsque
l’idéologie possède les clés pour changer le présent, empêche inexorablement à
préparer l’avenir.
Et le Parti Radical Valoisien en est avec Chirac l’autre
illustre exemple de ses dernières années.
La personnalité de Jacques Chirac et l’identité du Parti
Radical sont semblables.
Un profond humanisme, une réflexion assidue sur l’homme
et son évolution.
Une culture universelle. Républicains jusque dans les
entrailles.
Mais aujourd’hui Jacques Chirac est à la retraite
politique.
Et malgré des convictions que j’estime justes, il n’a pas
réussi à préparer l’avenir de notre pays. Un mauvais entourage ayant souvent brouillé son jugement.
Aujourd’hui, le parti héritier de Jacques Chirac n’est
pas l’UMP.
C’est le Parti Radical Valoisien.
Et je ne pense pas que ce soit par coïncidence que
Jacques Chirac ait fait de Jean Louis Borloo un ministre incontournable de son
quinquennat. Et une personnalité politique majeure. De ce fait, Jacques Chirac a sauvé le Parti Radical, qui
n’aurait pas pesé lourd sans son nouveau président.
En conclusion, je dirais que :
Jacques Chirac n’a pas été un bon Président Radical.
Il s’est souvent perdu et s’est parfois laissé influencé
dans la mauvaise direction. Même s’il restera probablement le dernier grand Président
Républicain à l’Elysée.
Mais sa personnalité ne laisse aucune ambiguïté : Il est un Radical.
Je dirais même un Radical mondialiste, universel. Qui par l’intermédiaire de Jean Louis Borloo, nous
demande de poursuivre le flambeau.
Rechercher comme il a toujours voulu, et comme nous
l’avons toujours voulu au Parti Radical, la solution intermédiaire entre le
libéralisme et le communisme. En préservant les valeurs de la République et le respect
de l’homme.
Chirac et le Parti Radical partagent la même idéologie.
Mais c’est au Parti Radical, à nous, de la mettre enfin
en pratique.