La question me taraudait l'intérieur du crâne depuis déja un bon moment.
Une question simple : Qu'est ce qu'on en a à foutre du Dalaï Lama ?
Non, vraiment... Mise à part que ce vieux monsieur a l'air particulièrement sympathique dans ses vêtements d'un autre âge et que la philosophie bouddhiste ferait du bien à tout le monde ces temps-ci, pourquoi donner autant d'importance à un ancien responsable d'une province chinoise ?
Pour rappel (très) succin, en 1951 des représentants du Dalaï Lama signent avec Pekin un accord qui fait du Tibet une province chinoise une bonne fois pour toute après plusieurs siècles de "Je t'aime, moi non plus". Accord remis en question par le Dalaï Lama lui même en 1958, probablement sous l'influence des américains qui jouaient à l'époque à une sorte de "Risk" géant avec tout ce qui ressemblait à du communisme. En d'autres termes, le Dalaï Lama est une relique de la guerre froide, qui comme sa légende le dit, est sans cesse réssuscité (du moins médiatiquement) quand ça arrange quelqu'un. Un petit peu comme un ancien satellite de l'URSS en quelque sorte, genre Géorgie cet été. Si Gorbatchev avait été encore en vie (il est ? ah pardon...), il se serait sévèrement inquiété de la reprise des hostilités Est/Ouest ces dernières années et aurait sûrement regrété de ne pas avoir gardé le pouvoir au Kremlin jusqu'à sa mort comme tout bon camarade. C'est vrai quoi, tout ça pour ça...
Revenons-en à Monsieur Lama.
Toujours pour situer historiquement le sujet du jour, il faut rappeler que le Président chinois actuel, Hu Jintao, fût le responsable politique chinois au Tibet en 1989 qui mit fin avec très peu de douceur à une grande manifestation tibétaine. Ce qui entraina (avec le massacre de Tiananmen) des représailles à la Chine sous la forme d'un embargo européen sur les ventes d'armes obtenu par... la France.
Vous suivez la boucle qui se boucle ?
20 ans après, les mêmes acteurs (ou leur succésseur, Sarko n'était que maire de Neuilly en 1989 et avait sûrement de très bons rapports avec son traiteur chinois) se retrouvent de nouveau au centre d'un emballement médiatique autour... de rien cette fois-ci. Pas de massacre, pas de représailles, et une Chine devenue en plus capitaliste et partenaire économique de l'occident. Donc pourquoi notre sympathique relique de la guerre froide est-il toujours d'actualité ?
Pour une histoire de liberté et de Droits de l'homme ?... Non, ne soyons pas aussi naïfs. Tout le monde s'en fout de ça. Même l'insupportable Robert Menard a laissé tomber le concept en devenant vassal médiatique et lucratif d'un petit pays (le Quatar) pas vraiment réputé pour sa liberté de la presse. Quant à Rama Yade, on dit même aujourd'hui que son poste est "une erreur" (aïe, ça fait toujours mal une exécution politique). Donc le coup des Droits de L'homme... à d'autres.
Pour une histoire économique ? C'est déja plus probable. Le Tibet regorge de richesses naturelles (pétrole, gaz, gisements miniers) et sa croissance économique frôle les 12%. Evidement, ça fait des envieux, la Chine étant l'unique exploitant du lieu, contrairement à nous qui nous sommes faits doublés en Corse par exemple.
Pour une question stratégique ? C'est l'explication la plus logique. Le Tibet est un bouclier naturel face à l'Inde qui n'est pas super copain avec la Chine par tradition. Rajoutons à ça qu'une indépendance ou même un traitement de faveur du Tibet risque d'entrainer l'éclatement entier de la République populaire de Chine, d'autres provinces voudront probablement suivre l'exemple. Ce qui arrangerait pas mal de monde.
Les questions de rivalités entre la Chine et l'Occident sont nombreuses et diverses, même si l'essentiel tourne autour de l'économie. Et l'on peut comprendre l'utilisation de notre bon vieux Monsieur Lama (au passage, un vrai moine bouddhiste n'est pas censé faire de la politique) comme symbole d'une guerre froide qui finalement ne s'est jamais vraiment arrêtée. Ce qui est plus difficile à comprendre c'est la particularité des relation franco-chinoises. Bush a reçu le Dalaï Lama, Merkel aussi, ainsi que Brown et plein d'autres dirigeants plus ou moins occidentaux. Alors pourquoi cette réaction aussi violente vis à vis de Sarkozy ? Juste pour une petite entrevue de rien du tout qui n'a duré que quelques instants.
Est-ce peut être à cause de cet incroyable lobby tibétain, encore plus puissant que les juifs et les maçons réunis ? C'est possible. La preuve par cette triste journée d'avril et le passage lamentable de la flamme olympique qui a couvert de honte notre pays pour de siècles.
Ou alors est-ce tout simplement le résultat de la diplomatie française depuis 20 ans... Un pas en avant, deux en arrière. On condamne, on s'excuse, on se prostitue, on recondamne, on s'excuse de nouveau, on se prostitue... Mise à part Chirac qui semble être le seul à avoir compris la Chine, et avait donc le respect de son homologue chinois, les dirigeants français n'ont pas saisi un truc : Dans la culture chinoise, le comportement de la France est assimilé à un comportement faible. Un comportement de femme qui fait sa mijorée et qui baisse sa culotte en même temps. On fout le bordel au passage de la flamme olympique et on envoie Raffarin pour s'excuser. Sarkozy met sous conditions sa venue au JO et y va quand même alors que les conditions ne sont pas remplies. Le symbolique Dalaï Lama vient en France, Sarkozy envoie sa femme par peur des représailles. Puis le rencontre quand même par suprise 6 mois plus tard en coup de vent (on a tous remarqué qu'il n'a gardé la fameuse écharpe que quelques secondes). Rien de franc, rien de direct, surtout rien de ferme. La Chine est un pays qui ne comprend que la fermeté. Lorsqu'elle a un faible devant elle, elle le piétine. Lorsqu'elle a un fort (les Etat-Unis, la Grande Bretagne) elle le respecte. Et le hasard faisant bien les choses, nous sommes à la tête de l'Union eurpoéenne ces temps-ci. Piétiner la France, c'est piétiner l'Europe, groupement politique et économique qui fait peur à la Chine. Voilà pourquoi la France a été la seule à subir les foudres de Pekin.
Aujourd'hui Bernard Kouchner a eu raison. Le concept des Droits de l'Homme n'a rien a faire dans la jungle des relations internationnales. Il faut de la fermeté et imposer le respect mutuel. En plus le business ne s'en portera que mieux. Et un jour, lorsque la France parlera avec la Chine en la regardant dans les yeux, peut être que ce grand et magnifique pays se remettra alors en question sur des points essentiels comme justement la liberté et les droits humains. Pas seulement des Tibetains, mais de chaque Chinois (n'oublions pas que la Chine est un pays de plus de 1,5 milliard d'habitants, vaut mieux pour tout le monde qu'il reste stable politiquement parlant). Alors notre sympathique relique de la guerre froide n'aura plus valeur de symbole et pourra enfin gouter au repos de l'esprit.