Non... il n'a pas le choix Nicolas.
Il est obligé d'aller s'excuser auprès de Vladimir pour avoir été méchant avec lui sans aucune raison.
Nicolas n'aime pas s'excuser.
Mais tout en rouspétant, il se décide à être un grand garçon responsable.
Demande de visa (facillement obtenu, comme pour tout le monde), aéroport et hop...
... direction Moscou.
La sensation d'entrer dans un autre monde est toujours étrange.
Les codes visuels ne sont pas les mêmes.
Et la première impression donnée par l'aéroport de Moscou n'est pas très encourageante.
C'est un peu triste, une foule compacte vous empêche d'avancer, la douanière qui tamponne votre visa ne vous addresse pas un sourire et des types bizarres viennent vers vous en hurlant "Taxi ?".
Nicolas a déja envie de rentrer dans son beau pays bien plus accueuillant.
Mais il a promis de faire ses excuses à Vladimir.
Alors il continue.
La très large autoroute qui part de l'aéroport ne semble mener nulle part.
Et le chauffeur de taxi a la tête du type qui va vous découper à la machette.
Recroquevillé sur la banquette de la Lada Break année 1983, Nicolas n'est pas déçu.
C'est comme ça qu'il voyait la Russie.
Comme d'habitude, il sait qu'il avait raison.
C'est alors que vient à lui sa première surprise... l'embouteillage.
"Tiens ? Y'a beaucoup de voitures en Russie ?".
Pendant les 2h30 qu'il faudra pour rejoindre le centre ville (30 minutes sans trafic), Nicolas va observer le paysage , le regard fixé derrière la vitre de la Lada. Des centres commerciaux immenses et des batiments entiers de concessionnaires automobiles longent l'autoroute. Puis cette curieuse réflexion : Une voiture sur quatre est un 4X4 de luxe, et il y a plus de Mercedes et de BMW au m2 qu'il n'en avait vues avant. Même à Neuilly.
"Pffft... tous des mafieux !" se dit Nicolas.
Le taxi arrive enfin sur Tverskaya, l'avenue principale de Moscou.
Un seul mot vient à l'esprit de Nicolas.
"Gigantesque !".
Une avenue large comme trois fois les Champs-Elysées, qui traverse deux rangées d'impressionnants buildings, et cela sur plusieurs kilomètres. Et là c'est un défilé de magasins, restaurants, hôtels et banques, qui feraient passer notre "plus belle avenue du monde" pour une impasse d'un quartier nord de Roubaix.
(Au passage, bonjour à tous ceux de Roubaix qui ne se sont pas encore pendus)
Tverskaya termine sur la Place Rouge.
C'est beau ! C'est magnifique ! et c'est... très grand.
A droite, le Kremlin jusqu'à perte de vue.
A gauche, l'hôtel Metropol dans lequel Nicolas a réservé une chambre.
Il a cassé sa tirelire, c'est l'un des plus beaux hôtels de Moscou.
Et des (très) beaux hôtels à Moscou, il y en a beaucoup.
Une fois dans sa chambre, Nicolas appelle Vladimir; Et là, mauvaise surprise.
Son "ami" russe ne peut pas le voir avant demain.
Mais que va bien pouvoir faire Nicolas pendant 24h dans Moscou ?
Contrarié, Nicolas se dit qu'il va sortir un peu.
il y a bien un ou deux endroits sympas dans le coin quand même...
Nicolas appelle un ami français dont on lui a donné les coordonnées.
Un type qui a eu l'idée bizarre de venir s'installer à Moscou.
Et il parait qu'il y en a beaucoup des comme lui.
Surement des dérangés.
La soirée s'organise, Nicolas doit s'y préparer.
Mais il est déja 20h ! Pas de panique lui dit on.
Les magasins sont ouverts jusqu'à 22h tous les jours.
Et toutes les marques que l'on connait (et que l'on ne connait pas) y sont présentes.
Des grandes chaînes de prêt à porter aux boutiques de luxe, en passant par les marques les plus branchées. Ici les boutiques sont ultra modernes et l'on y trouve des nouveautés qui ne sont même pas encore sorties en France.
Les centres commerciaux sont immenses et pleins à craquer de clients.
D'ailleurs le russe, et surtout la russe, s'habille.
Ici, peu de vulgaire Jean/pull, mais souvent de véritables défilés de mode dans les rues.
En marchant dans les rues pourtant bondées, Nicolas remarque l'incroyable propreté des lieus. Partout, des agents municipaux se tiennent prêts à ramasser le moindre papier par terre. Nicolas pense à Bertrand, qui a rendu Paris tout pourri.
Nicolas trouve sans problème sa tenue pour ce soir.
Mais il trouve qu'il a une mauvaise tête.
Il est 21h, mais l'un des salons "Tony and Guy" ou "Jean Claude Biguine" (entre autres) accueillent encore les clients avec le (joli) sourire.
22h, Nicolas rejoint ses nouveaux amis.
Pour les restaurants, c'est l'embarras du choix.
Le très chic "Café Poushkine", le tendance "Galerya" et son incroyable ambiance, les nombreux restaurants italiens, et les très nombreux japonais.
(le sushi est devenu le plat national).
Finalement ce sera le "Ayst".
Comme le "Galerya" et beaucoup d'autres, ce restaurant cultive le style jet set.
Nicolas réfléchit, il ne voit pas d'équivalent parisien à certains restaurants moscovites.
Et partout du monde, du monde et encore du monde.
Qu'est ce que c'est vivant !
Pendant le diner, Nicolas apprendra quelques trucs intéressants sur la Russie.
D'accord tous les russes ne vivent dans le luxe et ne fréquentent pas ce genre d'endroit.
Mais il y en a beaucoup, de plus en plus, ceux qui saisissent leur chance d'exploiter les nombreux marchés qui s'ouvrent dans le pays.
Ici le business peut être florissant et tout est encore possible.
Et penser encore qu'être riche à Moscou veut dire être mafieux est d'une grande stupidité.
"Et pour ceux qui n'ont pas encore eu leur chance ?" S'interroge Nicolas.
Le niveau de vie du russe moyen est très correct.
Le salaire (officiel) est encore bas ( 15 000 roubles par mois, soit environ 450 euros)
Mais les avantages sont nombreux.
Le russe est propriétaire de son appartement et de sa datcha, offertes par l'Etat après la chute du communisme. Le téléphone local est gratuit, l'essence et le gaz ne coutent pas grand chose, ainsi que les cigarettes, alcool et nourriture.
De plus, beaucoup font des extras dans les marchés le week end.
Ou s'improvisent chauffeur de taxi (En Russie, n'importe qui peut faire "Taxi").
Un grand gaillard costaud interpelle Nicolas :
"Les russes vivent bien mieux que beaucoup de français ! C'est pour ça que Poutine est super populaire ici ! Il a redonné de la fierté au peuple russe ! Nous aussi on va demander la nationalité russe ! C'est pourri la France ! "
Vue la taille du type, Nicolas préfère ne pas relever.
Même s'il insiste: "On parle de liberté d'expression ! Mais en France, c'est quoi la liberté d'expression ? Qu'on fasse d'abord le ménage chez nous avant de donner des leçons !"
1h du matin.
Nicolas se retrouve dans la boite de nuit "Le First".
Et là... on entre dans une autre dimension.
Pour faire encore une comparaison idiote, une boite de nuit française peut être confondue avec une réunion de l'UMP par rapport à ce qu'il se passe ici.
Essayez d'imaginer un magazine, mélange de Vogue et de Playboy.
Et bien là... les filles ne sont pas en photo, mais partout autour de vous.
Comme souvent dans les moments de tensions ultimes, Nicolas a la migraine.
Un petit français entre deux grandes blondes lui lance "Nico ! Un shot de vodka ?".
Un autre ironise "Si tu continues à mater comme ça, tu vas choper un cancer des yeux !".
"Faut que je rentre !" se dit Nicolas, pensant soudainement à sa femme.
Le grand gaillard de tout à l'heure "Tu restes pas avec nous ? C'est con, les filles sont pas farouches ici, même toi tu peux en embarquer une et ça va te changer de la française sans saveur".
Nicolas sourit poliment "Je préfère rentrer".
Nicolas saute dans la première voiture qui passe, pour 100 roubles (3 euros) il aura même droit à un arrêt à l'un des supermarchés ouverts 24h sur 24, avant de rentrer à l'hôtel.
Tant d'émotions, ça creuse.
Le lendemain, c'est avec un autre regard de la Russie que Nicolas va rendre visite à Vladimir.
Bien sûr il s'excuse pour ses propos stupides.
Mais surtout, il aimerait bien rester encore quelques jours.
Il n'a vu qu'une infime partie de ce qu'il y a à voir ici.
Au fait... pardon !
J'ai oublié de vous présenter Nicolas.
Nicolas est un patissier connu à Neuilly (pourquoi ? Vous pensiez à quelqu'un d'autre).
Dernièrement, il a hurlé sur tous les toits que les gateaux russes, c'est de la merde.
Et qu'il préfère manger des cookies américains.
Vladimir, plus grand patissier de Moscou, n'a pas apprécié et a invité son ami Nicolas à se rendre compte sur place de sa connerie.
Nicolas est convaincu.
A partir de maintenant, il s'inspirera d'avantage des recettes russes.
Et surtout.
Il réfléchira un peu avant de parler de ce qu'il ne connait pas.